samedi 23 mars 2013

Eloge de la copie




Les chercheurs des laboratoires de linguistique et de neuro-cognition de Grenoble montraient dans un article que le savoir lire ne suffisait pas dans l’acquisition de l’orthographe. La simultanéité des traitements de la forme orthographique et de la forme phonologique correspondante est importante pour la mémorisation ainsi l’appropriation sémantique du mot. On s’aperçoit aussi qu’une faible vitesse de lecture (faible empan visuo-attentionnel) est une contrainte supplémentaire et que les mots connus « vraiment » aident à mémoriser les mots inconnus. Il faut travailler la synchronie entre le traitement visuel et le traitement phonologique des mots lus.
Sachant aussi que grand nombre de nos élèves en difficulté ont une dominante kinesthésique, écrire un mot en capitales et en écriture liée est essentiel dans sa mémorisation pour peu que le mot soit identifié par son sens et sa nature. Les chercheurs  du Laboratoire CLLE de Toulouse ont démontré que pour créer un lexique mental en mémoire à long terme et favoriser la démarche d’assemblage, il faut préférer la copie à la dictée, car la copie propose  au scripteur une mémoire externe d’autant plus précieuse qu’elle est toujours disponible, évitant ainsi une surcharge cognitive qui bloque le processus de mémorisation. En ce sens la dictée constitue une tâche dont l’objectif est davantage d’évaluer le produit d’un apprentissage que de laisser une trace dans le système cognitif. La copie de mots permet d’encoder la mémoire à long terme et la copie de mots irréguliers laisserait une trace mnésique motrice associée à leur représentation lexicale, cette trace  pourrait être ensuite utilisée pour récupérer plus facilement la forme orthographique normée.
Apprendre à copier est une véritable compétence qui, quand elle n’est pas maîtrisée, impose une telle surcharge cognitive qu’elle rend impossible la compréhension de ce qui est écrit. On parle de double tâche inhibitrice. Pour les dys. ou les enfants qui souffrent de lenteur graphique  ou d’erreurs de copie, le collège doit faire l’acquisition de cahier carbone. Le copain bon scripteur écrit sa leçon et donne le carbone au dys. Celui-ci utilisera des surligneurs pour mettre en valeur la structure et les éléments importants, surtout qu’il aura quand même écrit dans son cahier ces éléments importants… sans contrainte. Ne pas oublier d’imposer les stylos ergonomiques avec effaceur.
On peut aussi avec  succès utiliser le traitement de texte : il est surprenant de voir des élèves, tristes scripteurs, taper correctement à toute vitesse après quelques heures d’entraînement sur un logiciel de dactylographie. Seul importe le résultat. Il importe aussi, nous savons tous l’état des agendas, que les collègues utilisent un cahier de texte numérique consultable par internet. Rien n’interdit d’y placer le contenu de la leçon et d’y adjoindre le fichier des photocopies utilisées en cours. Pour rester dans la technique, l’utilisation des TBI sur tableau blanc –très peu chers- qui permettent de jouer avec les couleurs, la tablette déportée qui permet à l’élève handicapé moteur d’écrire au tableau depuis sa place, les visualiseurs qui permettent un scan très rapide d’un document, les logiciels lecteurs ou à reconnaissance vocale ou les prédicteurs de mots comme DICOM (voir clef USB spéciale dys)… bien des outils concourent à aider l’élève à besoins particuliers.  
Tout doit nous conduire à ce que l’acte de copie en 6e ne soit plus une contrainte, une peur, un masque, un repoussoir. C’est par la copie dégradée que s’installe le décrochage scolaire ! Comme le suggère Nadia Mekthtoub, « apprendre à copier de manière lisible ou sans erreur peut constituer un objectif prioritaire dans le cadre d’un PPRE » Il est facile ici de faire apparaître et d’évaluer les évolutions.
Je crois aussi que les enseignants devraient réfléchir sur leur production écrite : utilisation d’une symbolique, de couleurs, faire reformuler par un élève ce qui est écrit ou ce qui est à écrire. Eviter les écrits qui s’accumulent et instaurer un rituel de relecture. Et, si on est un grand utilisateur de polycopiés, travailler en Arial 12 avec un interligne de 1,5… et n’oublions pas la mise en couleur des photocopies par les surligneurs.
Il est capital aussi de travailler les organisateurs de texte (ponctuation, alinéa, saut de ligne, titraille) en les faisant réfléchir tout en copiant sur les différences d’identité entre un texte de théâtre, un article, un récit, un poème….Toujours est-il qu’on ne se refusera pas de patienter avant que de dicter des textes ou des leçons aux élèves.

La conscience morphosyntaxique




En 6e dépister l’élève à besoins particuliers sévères, n’est souvent pas nécessaire ; les collègues  ou les parents nous auront informés. Les évaluations classiques (ROC, lecture rapide, attitudes, observation des premières productions…) nous permettrons de le confirmer tout en faisant apparaître ceux qui ont des troubles plus légers dont le pourcentage (de 3 à 15%)  pourra varier selon les classes et les établissements. Nous mettrons en place ou vérifierons que des procédures d’identification et prise en charge (PAI, PPS…) soient en place. Nous pourrons aussi par la diffusions des invariants auprès de nos collègues et une incitation à la bienveillance : lutte contre la constante macabre… créer un climat plus favorable à la prise en charge souhaitée.
Mais où sont donc les coins, qui une fois enfoncés permettront, dans le cadre de la classe de français, de faire progresser nos élèves en difficulté sans nuire aux progrès des autres, tout en restant dans la conformité du programme.
Le travail sur la posture à travers le théâtre et la mise en jeu du corps est essentielle car elle conduit à une production du récit à travers le ressenti, l’approche d’une œuvre littéraire par le débat (voir la séquence autour de Stupeur et tremblements) travaillé en groupe, le travail sur la fluence ou l’utilisation de logiciels spécifiques (ELSA, Lirebel diagnostique et Lirebel remédiation, La malle au Mots…)…  tout cela est fort bien, mais il n’est pas sûr que ce soit essentiel et j’irais même plus loin, je me demande si nous ne construirions pas quelquefois  sur du sable !
La littérature sur le comment lire et le comment écrire est très riche et je ne parle même pas du comment bien orthographier ou maîtriser les fonctions. Je vous invite  à la lecture de certains numéros de l’ANAE (Approche Neuropsychologique  des Apprentissages chez l’Enfant, N° 116 et 118) qui bien que d’une approche ardue quelquefois fait un point régulier sur les recherches actuelles.
On retiendra de l’ensemble des pistes dessinées par les dernières thèses que la qualité de la perception morphosyntaxique reste le point essentiel sur lequel bloquent nos élèves. Observez le résultat des élèves au test de morphosyntaxe, à une dictée sur les erreurs lexicales suivie d’une dictée sur les erreurs syntaxiques, et à un petit questionnaire sur la nature des mots et vous constaterez la corrélation des résultats.
Peut-on dire que l’école n’enseignant plus vraiment  ce b.a. ba. grammatical débordée qu’elle est par bien d’autres exigences, serait à l’origine de l’augmentation apparente des dys. et de la difficulté de nombreux élèves à accéder à la lecture savante et à l’écriture ? Je ne suis pas loin de le croire. C’est pourquoi j’invite les dys. courageux  à faire du latin (comme le conseille de nombreux chercheurs). C’est en se confrontant à cette langue flexionnelle  mais transparente que l’enfant comprendra sa langue configurationnelle. Dans le même ordre d’idée on commencera la sixième par un travail sur la poésie tout en insistant sur la morphologie (découpage) des mots mais surtout sur l’aspect musical : rimes, assonances, allitération, travail sur les syllabes, opposition sourdes/sonores par exemple… il est impératif de remettre l’API (alphabet phonétique international) à l’ordre du jour. Il faut jouer avec les mots et surtout jouer avec les sons, les lettres. On pense aujourd’hui que l’acquisition du lire/écrire passe par une étape syllabique après l’étape d’identification des graphes. La méthode globale fut-elle donc une erreur ?
Enfin, on pourrait affirmer  que c’est parce que l’enfant ne perçoit pas la nature d’un mot, qu’il butte sur le sens du texte mais aussi sur sa production et son orthographe. L’acquisition de cette conscience morphosyntaxique passe par une démarche métacognitive qu’il est bien difficile de mettre en œuvre dans le cadre de la classe, ce qui sera plus facile pour le thérapeute. Toutefois avec un peu de pragmatisme, on peut cheminer sur cette voie.
Je distribue aux élèves dès le début de l’année une page recto-verso contenant les 900 mots du vocabulaire de base (ils constituent 80% des mots que nous employons) où apparaît aussi la nature de chaque mot (une version couleur plastifiée est distribuée aux dys. qui peuvent l’utiliser à tout moment et dans toutes les matières comme dictionnaire orthographique), un tableau sur les différentes catégories grammaticales et enfin un tableau orthographique présentant la typologie des erreurs (voir zone de téléchargement).   Au milieu de l’année, une fois que les élèves auront travaillé sur les aspects phonologiques sur les liens syntaxiques (sujet/verbe, nom/adjectif…), je vais leur demander de s’approprier cette base qui sera divisée en 10 blocs. On travaillera un bloc par semaine : on découvre la nature des mots par surlignage, les difficultés lexicales ou flexionnelles de certains mots. Les élèves sont ensuite invités à composer, seuls chez eux ou en groupe en classe, un texte cohérent d’une centaine de mots sur un sujet de leur choix contenant a-minima 30 mots venant du bloc étudié. Le jour venu, nous parlons un peu des productions des uns et des autres. Les élèves choisissent un des textes qui est donné en dictée. Nous passons ensuite à la correction en distinguant les types d’erreurs… L’orthographe est notée en %. Bien sûr on n’hésite pas, pendant la dictée, à laisser les binômes (bon/dys) collaborer. Dans la dictée on soulignera certains mots dont on demandera la nature (Nom, Pronom, Verbe, Adjectif/Déterminant, ADVerbe, Préposition, Conjonction de Coordination, Conjonction de Subordination).  C’est bien sûr 2 H par semaine sur 10 semaines consacrées à ce travail. Mais le résultat est spectaculaire pour les bilexiques (c’est plus discutable pour les dys. profonds) même si la démarche peut apparaître un peu artificielle. Elle a aussi le mérite de transférer ce qu’on peut faire dans un cabinet d’orthophonie à l’échelle de la classe.
On peut aussi s’amuser à faire construire avec cette base de 900 mots des dominos construits sur la catégorie grammaticale des mots. Un travail sans doute utile en aide personnalisée.

Travailler les postures en français



Le discours psychologique parle à 11 ans , d’un passage de l’âge concret à l’âge abstrait (plus de performance). Toute une série de modifications physiologiques (gainage de myéline pour les neurones…) en sont à l’origine. Nous avons souvent l’impression que, par exemple en grammaire, nos élèves de 6e n’en ont pas fait à l’école. C’est faux, bien sûr ! Ils n’ont simplement pas pu mémoriser ce qui reste de l’abstraction et qui plus est passe pour une accumulation indigeste. Si les programmes de primaire pouvaient s’en tenir à l’identification de la nature des mots… ce serait parfait pour nos dys.
Autre élément important, l’enfant, ce « pantin », va commencer à couper les fils dans sa recherche d’autonomie. Il va passer d’un stage où il était le jouet à celui où il cherche il veut trouver son autonomie et sa liberté. Relisons Pinocchio. Mais dans un cas comme dans l’autre, c’est toujours dans une posture égocentrée. Or, une nos problématique est de le faire passer dans le récit du JE au IL. S’il est capable à la lecture d’être sensible à l’aventure du héros, de s’identifier, il lui est très difficile de créer une posture qui autorise une distanciation qui sorte du jeu. On est là dans la même problématique que celle évoquée par Diderot dans le Paradoxe du comédien : il faut s’habiller du personnage tout en ayant la capacité de se regarder jouer. Cette difficulté de certains enfants à s’imaginer autre est à la base de l’échec du processus d’écriture. Quand on est autocentré, il est difficile de comprendre qu’on écrit pour un autre, un lecteur, et que cela suppose des descriptions, des dialogues, de la cohérence…
J’ai un jour fait appel à Béatrice Machet, non pas seulement parce qu’elle était poétesse et spécialiste des contes amérindiens mais parce qu’elle était danseuse, sur un atelier de 6 fois 1H30. Elle pouvait donc comprendre que je voulais que la création poétique pour cette classe de 6e  passe par le corps. Que le corps soit à l’origine de « l’engrammation ». Je me plaçais souvent  en retrait pour observer la dizaine d’élèves de la classe dysquelquechoses.
Les 26 élèves ont occupé une salle vidée de tout objet. Ils ont appris à marcher  de différentes manières, à éprouver des sensations, à les nommer : tendre, tirer, crisper, étirer, équilibrer, se pencher, se dandiner… plus on connaît les forces qui traversent notre corps plus on est libre… à chacun de se constituer un personnage, de le jouer. Exercice difficile car vous verrez les plus inquiets se cacher, chercher à imiter le voisin… Ici quand il s’agira ensuite de décrire sur le papier le personnage créé, on aura une vraie richesse… quelquefois. Quand à l’intérieur de chaque groupe il fallait faire revivre le personnage décrit par le voisin, les élèves ont pu percevoir l’écart qui peut exister entre ce que je vis, ce que j’écris et ce qui est perçu.
Un autre exercice, habituel dans le travail théâtral, consiste à se mettre en cercle et à se passer un objet, à le transformer et à le glisser à son voisin. Les élèves en difficulté vont souvent observer les autres, voir leur inquiétude monter, simplifier l’objet qui devient souvent un ballon. Il faut plusieurs tours pour que chacun entre dans un processus créatif où l’on tient compte de ce qu’on reçoit pour le transformer et où on prend en compte le destinataire.
On a ensuite demandé à chaque groupe de travailler un pastiche Autour du poème d’ALAIN BOUDET
Toujours à Naviguer / entre le poisson du berger et l’étoile d’avril  /Mouette entremetteuse / raconte-moi encore / le mariage de la vague et du nuage.
Pour obtenir par exemple :
Toujours à courir / Entre la terre et la lune / Discovery l’entremetteuse / Raconte-moi encore /le mariage des hommes et des étoiles.
Demander aux élèves de réaliser à l’écrit la même démarche permet de les conduire à une démarche métacognitive plus performante, liée au ressenti. La conscience posturale et proprioceptive est ce sur quoi on voit le plus de progrès dans l’aide aux dys . Voir la démarche de B. Sauvageot ou du Dr Quercia.
D’autres exercices furent mis en place avec cette volonté de toujours lier le corps et l’écriture jusqu’à obtenir une écriture vraiment longue où l’imaginaire était riche mais pas gratuit. Comment voulez-vous faire ressentir ce qu’on ne vous a pas appris à sentir. J’ai souvent remarqué que les élèves en difficulté avaient une dominante kinesthésique  et combien ils trouvaient leurs marques dans ces exercices. Se mettre en théâtre avec une classe, pour jouer ou pour écrire, c’est se confronter à l’autre, comprendre qu’on ne joue pas ou qu’on n’écrit pas pour soi mais pour les autres. Sortir de soi et en donner le meilleur ! 

Mise en place d'une procédure pour l'aide des élèves en difficulté



Les difficultés scolaires sont liées à des désordres somatiques, à des troubles de la personnalité, à des troubles spécifiques et à des retards. Le contexte socio-familial joue son rôle bien sûr, mais peut être masquant.
Tout projet de remédiation trouvera sa place dans le projet d’établissement et débutera la première année en 6e  pour s’inscrire dans la durée dans le cadre d’un suivi de cohorte. Il s’appuiera sur des indices qui en démontrent le besoin et devra obtenir l’adhésion du chef d’établissement. Il n’y a pas obligation à construire un projet d’équipe… même si c’est souhaitable. On peut être seul… si on ne s’enferme pas. Il faudra fixer des indices de réussite. Pour cela, on mettra en place une évaluation qui ne souffre pas de contestation (ROC…) et on sera attentif au dossier scolaire et aux relations avec les maîtres et les parents. Si l’on estime que le projet sort des clous, il est possible de déposer pour la première année une demande de Projet innovant puis si l’on s’engage sur 3 ans une demande d’expérimentation art. 34 qui permet d’avoir quelques moyens,  d’obtenir un suivi pédagogique et surtout d’être autorisé à déroger.
L’ordre des choses…
1.       La consultation des dossiers  scolaires, les capitales réunions de liaison CM2/6e, la définition de PPRE passerelle… vont permettre d’identifier nos élèves à besoins particuliers et en particulier de distinguer ceux qui ont un trouble identifié et une  remédiation installée (CMPP, orthophoniste, AVS, RASED…) et ceux qui ont un retard identifié  avec remédiation installée (RASED, CRE…) ou pas. Ce sera l’occasion d’étudier le parcours scolaire, les refus d’orientation, les situations familiales délicates. Précieuse aide à la constitution des classes.
2.       En début de 6e on passera des évaluations complémentaires (pour tous). Puisque les évaluations traditionnelles ont disparu on utilisera le -ROC (repérage orthographique collectif) pour  faire apparaître les suspicions de dyslexie, un test de lecture/compréhension classique (voir Bien lire au collège, ELSA…) qui sera reconductible, un test mnémonique, une évaluation plus générale (conscience morphosyntaxique) et si le collègue de maths est d’accord un repérage de la dyscalculie. On sera aussi très attentif aux premiers échos des collègues d’anglais. N’oubliez pas que les dys sont fâchés avec cette langue très peu transparente.
Action 1. On l’oublie souvent : vérifier d’urgence la vision et l’audition (otite séreuses tardives) des enfants qui présentent des difficultés.
Action 2. Dans le cadre d’une réunion parents-professeurs (avant Toussaint) où les parents auront été invités suite aux tests à compléter un questionnaire spécifique, vérifiez avec eux l’histoire de l’enfant, la prise de conscience et les moyens des parents d’y remédier… 

La suspicion de difficultés scolaires de ces élèves à besoins particuliers doit être traitée en 4 points :
a.       Si cela semble lié à un contexte socio-familial déficient :  faire appel à l’assistante sociale, aux aides spécifiques mises en place par les mairies (CRE) , à une aide individualisée définie par le collège. Prenez garde qu’un trouble (dys…) ne soit pas masqué par le contexte.
b.      Si vous soupçonnez un retard cognitif, informez la COP qui après accords des parents fera passer un WISK4 à l’enfant  ce qui permettra peut-être de faciliter l’orientation vers des structures plus adaptées (SEGPA, ULIS, UPI)
c.       Si un trouble spécifique du langage est soupçonné demandez aux parents son évaluation par une orthophoniste ou le médecin scolaire.
d.      S’il s’agit du soupçon d’autres troubles non détectées (dépression, précocité échouée, phobie), demandez aux parents de consulter le médecin scolaire ou passez par l’infirmière.

Le secret professionnel s’impose à tous ! L’autorisation et l’adhésion des parents sont obligatoires. Chacun doit faire preuve de bienveillance et d’empathie. Le médecin scolaire peut définir un PAI (Projet d’accueil individualisé) où il pose un diagnostic et dresse la liste des aménagements pédagogiques à prévoir (voir exemples de PAI). Ce même médecin pourra délivrer une demande d’aménagement des examens. Dans certains départements  on réunira l’équipe éducative (maître référent, médecin, PP…) pour délivrer un PPS (projet personnalisé de scolarisation) qui permettra par exemple d’obtenir une AVS (aide vie scolaire) ou une aide spécifique (ordinateur, reconnaissance vocale…) auprès de la MDPH. Certains enfants pourront être accueillis en hôpital de jour… Une équipe de suivi de scolarisation sera mise en place.
.              Le collège pourra définir par la suite un ou plusieurs PPRE (programme personnalisé de réussite éducative) qui permettront d’évaluer l’évolution d’un point particulier sur une courte période.

Le rôle de l’équipe pédagogique concernée par un enfant qui présente de tels troubles n’est pas de soigner. Nous devons simplement  créer des conditions favorables d’accueil où il n’aura pas l’impression qu’on lui enfonce la tête sous l’eau. On peut dire ce qui est et expliquer aux autres pourquoi il peut avoir un traitement spécifique (ne pas comptabiliser l’orthographe. Donner un tiers temps à l’examen sans jamais lui apprendre à s’en servir est un peu dommage. Si le professeur de français veut, pour les dys, se lancer dans l’orthopédagogie, comme je l’y invite, il pourra contribuer à la réussite de ces élèves tout en permettant la réussite de toute la classe.
Néanmoins un élève qui souffre de troubles du langage doit obligatoirement avoir des soins spécifiques. 

A propos du décrochage




Au Québec 26% des jeunes n’ont pas de diplôme ou de qualification secondaire à l’âge de 20 ans. 32% chez les garçons. En France on parle de 140 000 jeunes… 1 jeune sur 5 (plutôt sur 4) se retrouverait dans la vie active sans qualification diplômante supérieure au brevet. On s’en est préoccupé sans mettre en place une stratégie de dépistage et de remédiation qui prenne le problème à sa source.
                Le décrochage coûte cher : chômage, délinquance, drogue, alcoolisme…. Le décrochage représente un manque à gagner de plusieurs milliards pour l’état !
Les prédicteurs sont nombreux : la misère, le milieu, les familles recomposées, des parents peu diplômé et déjà décrocheurs qui ne valorisent pas l’école. Toutefois, l’immigration n’est pas un facteur de décrochage. D’autres élèves qui se retrouvent pourtant dans des contextes favorables vont décrocher : tous ceux qui sont soumis à des désordres somatiques et à des troubles. Mais PISA le montre hélas, l’école renforce l’impact de l’inégalité sociale au lieu de l’équilibrer. Dans notre monde de l’argent roi que nos dirigeants se persuadent enfin que la prise en charge de ces élèves en grande difficulté est une source d’économie considérable… qui pourrait effacer le coût annuel de la dette !
Un décrocheur -on parle d’un jeune ayant quitté l’école- n’est le plus souvent qu’un enfant qui a déjà décroché scolairement au niveau du nœud du CP/CE1 et/ou de la 6e. Le retard scolaire est un signe prédictif évident.
Une des dernières recherches au Québec distingues 4 groupes de décrocheurs : Les discrets, les désengagés, les sous performants et les inadaptés.
Les discrets représentent 40% des décrocheurs : Ce sont des élèves qui ont un niveau scolaire acceptable, qui ne présentent pas de soucis de discipline, qui ne sont pas en situation d’échec et ne sont pas présentés comme risquant décrocher. Les Désengagés ont un rendement scolaire moyen et présentent peu de problèmes de discipline, ils se caractérisent par la faiblesse de leur engagement face à l’école (10%). Les sous-performants ont peu de problèmes comportementaux mais ont un rendement scolaire faible (10%) Les décrocheurs  Enfin, les inadaptés ont un rendement scolaire faible et un haut degré d’indiscipline (40%)
L’abandon des études apparaît comme la solution la plus rationnelle pour mettre fin à un sentiment d’incompétence qui engendre des affects négatifs (frustration, colère, tristesse, ennui). L’abandon est une procédure de sauvegarde : convaincu qu’il est nul et que le système ne peut l’aider, la psychologie comportementale nous montre qu’on abandonne pour éviter le risque suicidaire ou dépressif, pour le cristalliser quelquefois en un autre élément moins ravageur pour la personne : la haine…
On peut s’interroger sur les 40% de discrets. Ils abandonnent l’école à cause d’éléments extrascolaires : maternité, besoin économique, conflit familial, miroir aux alouettes (je pense à certains de mes élèves qui ne rêvent que de devenir frontaliers en Suisse comme leur père pour, sans diplôme, toucher 3 à 4 fois le SMIC)
Dans l’étude réalisée au Québec (ELDEQ) mais qui peut se rapporter à la France, 15% des élèves de 12 ans sont à risque de décrochage scolaire et la moitié (8% de la classe d’âge) ne présentent que peu ou pas de problèmes de discipline) Toutefois, ce qui traverse l’ensemble de ces élèves, c’est qu’une grande partie des décrocheurs appartiennent à des familles aux revenus inférieurs. Hugo serait désolé de constater qu’aujourd’hui encore, la misère forge toujours ses chaînes.
On doit s’arrêter et distinguer les enfants à risque avec indiscipline et ceux à risque sans indiscipline. L’échec scolaire dès la maternelle se caractérise souvent par une indiscipline qui est signalée aux parents et qui devient pour eux prégnante, ce qui les conduit à être moins vigilants à propos de la réussite scolaire. Tant qu’il est gentil ! Persuadons-nous que le processus de désengagement prend naissance en primaire  et retenons que les élèves de 12 ans à  risque de décrochage scolaire au secondaire  se distinguent des autres élèves, par une perception de soi plus négative comme élève, davantage de problèmes d’attention, la nécessité d’un soutien scolaire parental accru et par une  tendance à un plus faible altruisme.
Une fois que tout cela a été dit… il ne reste plus qu’à faire disparaître la misère pour solutionner ce problème ou essayer –avec modestie,  bienveillance et empathie- de compenser ces injustices.

C Blaya, Décrochages scolaires. L'école en difficulté, de Boeck, Bruxelles, 2010.

Discours sur la maîtrise de la langue



Les psycholinguistes diront que « la langue préexiste au discours. Nous sommes habités par la langue de façon permanente et les discours que nous expulsons ne sont que les éphémères manifestations de cette occupation silencieuse ».
Pour Béatrice Sauvageot et le Dr Metelius qui parlent de « bilexie », il n’y a que 2 % de véritables dys (dont la langue, le moteur, est spécifique); les autres, les bilexiques, ne dysfonctionnent pas mais ont du mal à mettre en adéquation leur langage interne (la langue) et le langage outil (le discours) : 2 lexiques ! Ils sont toujours en train de traduire, d’où cette surcharge cognitive qui nuit à leur réussite.
Les linguistes s’interrogent sur la littératie (-cie) : ces nœuds d’entrée dans l’apprentissage de la lecture. Ils ont démontré que la lecture était le meilleur mode d’appropriation de la langue orale et que l’écriture est le meilleur mode d’appropriation de la lecture.
Le cerveau travaille plus pour la compréhension orale que pour lire un texte. L’écriture est le premier moteur de paresse inventé par l’homme. On pourrait même ajouter que l’écriture a été un facteur d’appauvrissement du discours. Pourrait-on dire que c’est l’oralité transmise sur des siècles qui fit d’une guéguerre du côté de Troie une épopée fastueuse que d’un seul coup Homère a figé dans l’encre.
Comment dit-on, lit-on, écrit-on ? Deux voies de lecture sont utilisées en continu.
La voie directe (ou d’adressage ou  lexicale) pour le mot connu. Il est récupéré dans la mémoire à long terme tel quel avec  ses marques orthographique /bateau/, sémantique /embarcation qui flotte/, phonologique/b/a/t/o/, morphosyntaxique/nom +x/. Il passe ensuite dans le buffer de la mémoire de travail qui va le restituer ?
La voie indirecte (assemblage, phonologique) concerne les mots inconnus (non accessibles dans la mémoire à long terme).  Pour un mot lu, il est décomposé en graphèmes /b/a/t/eau, chaque graphème est converti en phonème /b/a/t/o avant que la mémoire de travail ne le restitue. On s’aperçoit que la restitution est plus pauvre (il manque la sémantique et la morphosyntaxe) Les dernières recherches montreraient qu’il existerait aussi un passage obligatoire par la syllabe. Cela viendra-t-il conforter les tenants de la méthode syllabique ?  Des recherches très récentes ont montré aussi combien une conscience morphosyntaxique déficiente (percevoir qu’un mot est un nom ou un verbe ou plutôt ce qui fait d’un mot un verbe ou un nom) pouvait expliquer les difficultés de certains élèves.  Il est vrai que peut-être le temps, depuis quelques années n’est plus à la grammaire. Souvenons-nous : en français nous avons  36 phonèmes pour 190 graphèmes (on peut écrire le son /o/ de 34 manières différentes !), en anglais 40 phonèmes pour 1120 graphèmes et presque autant de phonèmes que de graphèmes en italien, langue très transparente
La dyslexie est un trouble spécifique du langage écrit où une des deux voies de lecture (ou les deux) est atteinte : dyslexie phonologique = 60 %, dyslexie de surface (directe) = 10 %, dyslexie mixte = 30 % 
Un bilan orthophonique permettra de situer le type de dyslexie (pour adapter la remédiation chez l’orthophoniste), l’âge lexical (il faut en France deux ans de retard en lecture pour parler dyslexie d’où une évaluation trop tardive en début CE2. Alors qu’on peut identifier les dys. en fin de maternelle et qu’on pourrait leur offrir un apprentissage du lire/écrire adapté en CP et CE1). L’évaluation est réalisée par l’orthophoniste, le médecin scolaire ou le neuropsychologue. En cas de troubles sévère on s’adressera au Centre du Langage (CHU de la région).
Combien de dys. nous arrivent en 6e sans avoir été détectés parce qu’ils ne présentent pas une pathologie sévère ! Ils sont pourtant en souffrance !

Pour une stratégie de la collaboration



Aujourd’hui, l’aide apportée aux élèves en français est souvent externalisée, tout comme le sont –je l’ai déjà évoqué- des projets pédagogiques essentiels comme l’approche du théâtre qui se retrouve dans des clubs ou des ateliers. L’aide personnalisée en 6e et 5e sert souvent de bouche-trou dans les emplois du temps et sera même confiée à des non-spécialistes. Comme toujours face à un problème, l’Education Nationale a créé un corps famélique de spécialistes (Maître référent, AS-H…) ou des structures spécialisées (CLIS, ULIS, EREA…) très autonomes. Les soutiens médicalisées (psy, orthophoniste) ou non (cours sur internet, cours particuliers, aide des parents…) nous échappent aussi car il faut reconnaître le manque de feed-back, en général. Ces soutiens opèrent généralement dans un rapport d’individu à individu, un face à face souvent marchant qui nous est étranger. Nous sommes confrontés à un groupe d’individus et en règle générale nos élèves en difficultés ne sont pas des cas aigus. Ceux-là ont été repérés et sont accueillis par des structures spécifiques. Nous ne sommes pas confrontés à l’autiste mais à l’Asperger, nous n’avons souvent pas à faire au 2% de dys lourds mais aux autres, à ceux entre deux eaux. Les canadiens parlent justement d’élèves handicapés ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage (EHDAA) Ils ont engendré l’orthopédagogie ! Méthodes et procédés d'enseignement qui visent à permettre aux enfants, aux adolescents et aux adultes aux prises avec des difficultés ou des troubles d'apprentissage, de pallier ces entraves et de se développer au mieux leurs potentialités.
Nous ne sommes pas là pour guérir –ce n’est pas notre métier- mais pour, j’aime cette idée, aider les élèves à se développer au mieux de leurs potentialités. Il faut reconnaître que cette approche, comme dans tous les pays à économie libérale, sombre aussi dans le mercantilisme et que l’on voit des plaques « orthopédagogue » sur les devantures des immeubles de Québec ou de Montréal.
Je ne sais si on peut inclure l’aide dans le quotidien du cours de français en collège, ce qui est sûr c’est qu’il faut installer des processus collaboratifs quand c’est possible et ne pas hésiter, comme le suggère Nadia Mekhtoub dans  Enseigner le français à tous les élèves (SCEREN, 2013),  à favoriser les interactions verbales.
J’ai pris l’habitude en 6e  et 5e  de créer 4 maisons dans la classe. Chaque maison regroupe différents types d’élèves qui sont invités à collaborer et à travailler en concertation. C’est les progrès du groupe –et donc des plus faibles- que je valorise par des systèmes de jetons, de points bonus… un peu long à expliquer ici. Avouons aussi que je n’ai pas encore eu le courage d’abandonner l’évaluation individuelle pour ne donner qu’une évaluation collective. Y viendrais-je ? Je mets toujours en place un défi lecture qui opposera les 4 maisons en fin d’année, Le travail d’approche du théâtre se fait aussi par maison (réalisation d’un théâtre d’ombre par chaque groupe) ainsi que de nombreux exercices de création (contes…). L’important c’est que tous les élèves soient confrontés à des enjeux complexes, et c’est en général à ces occasions que les dys. donnent toute leur mesure. C’est aussi à cette occasions que les malentendus sociocognitifs se font jour. Sans entrer dans les arcanes de la psychologie ou de l’analyse transactionnelle, nos élèves en difficulté ont mis en place des jeux de vie, des processus d’évitement souvent vis-à-vis des adultes (je fais semblant d’écouter alors que je suis ailleurs, j’augmente ma dysgraphie pour justifier la floraison de mes erreurs, etc.) pour déjouer la surcharge cognitive. Ils sont très forts pour cela. Les « cancres » ont toujours établi des stratégies d’évitement. Ces jeux de vie ne sont pas acceptés par leurs camarades dans le cadre d’un travail collaboratif.